Pourquoi des singes capucins kidnappent-ils des bébés d'une autre espèce ?
Pourquoi des singes capucins kidnappent-ils des bébés d'une autre espèce ?
Un comportement troublant observé au Panama soulève des questions fascinantes sur la culture animale et l'évolution sociale des primates.
🔍 Un comportement singulier sur une île isolée
Sur l’île de Jicarón, au large du Panama, un groupe de singes capucins à face blanche (Cebus capucinus imitator) intrigue les chercheurs. Pendant 15 mois, des scientifiques ont filmé plusieurs jeunes mâles transportant des bébés singes hurleurs (Alouatta palliata coibensis) — une autre espèce vivant dans les mêmes forêts. Ces « enlèvements », sans but alimentaire ou reproductif, ont concerné au moins 11 nourrissons.
Ce comportement a été décrit pour la première fois en mai 2025 dans la revue Current Biology, par une équipe du Max Planck Institute of Animal Behavior. Une première dans l'étude des primates sauvages.
🌍 Un cas unique d'interaction interspécifique
Chez les primates, les contacts directs entre espèces sont rares. On observe parfois des cohabitations ou des partages de territoire, mais le port répété de nourrissons d’une autre espèce est inédit. Jusqu’à présent, un seul cas documenté avait été recensé : une femelle capucin qui, en 2004 au Brésil, éleva un bébé ouistiti.
Ici, le scénario est très différent : les capucins « kidnappent » les bébés hurleurs, parfois âgés de seulement quelques jours, et les transportent plusieurs jours sans soins particuliers. Certains bébés sont retrouvés morts, parfois encore portés comme des poupées inanimées. Aucun n’a survécu.
🤓 Des capucins connus pour leur créativité
Ce groupe de Jicarón n’est pas un groupe ordinaire. Ces capucins sont les seuls connus à utiliser des outils en pierre pour casser des noix ou déloger des crustacés. L’environnement insulaire y est pour beaucoup : sans prédateurs, avec des ressources variées mais dispersées, ces singes ont développé des stratégies innovantes.
Ils sont aussi des champions de l’apprentissage social. Comme chez les humains, certaines pratiques peuvent devenir des traditions locales, propagées par imitation. Dans ce cas, un jeune mâle surnommé « Joker » a initié le comportement de port de nourrissons hurleurs. Quelques mois plus tard, quatre autres mâles ont adopté le même comportement. Un véritable effet de mode.
💡 Pourquoi font-ils ça ? Hypothèses en débat
Le mystère reste entier. Les chercheurs avancent plusieurs explications possibles :
Stimulation sociale ou sensorielle : le mouvement, les cris, ou la chaleur des bébés pourraient attirer l’attention des jeunes capucins.
Jeu ou curiosité : les capucins sont très joueurs. Ils manipulent souvent des objets ou inventent des rituels sociaux sans but clair.
Dérive de comportement alloparental : certains mâles capucins aiment porter les bébés de leur propre groupe. Ici, cette pulsion pourrait s’être déplacée vers une autre espèce.
Ennui cognitif : sans prédateurs, dans un milieu stable, ces jeunes singes très intelligents pourraient simplement s’ennuyer... et trouver les hurleurs intéressants.
Ce qui est certain, c’est que ces enlèvements n’apportent ni nourriture ni bénéfice social aux capucins.
🚨 Un comportement qui inquiète
Les conséquences de ce comportement ne sont pas anodines. La population locale de singes hurleurs, déjà classée en danger, pourrait être menacée si ces enlèvements se poursuivent. Les chercheurs craignent que cette « tradition » ne se répande dans d'autres groupes.
Des vidéos montrent des mères hurleurs appelant leurs petits pendant que les capucins menacent les adultes. Ces scènes, émotionnellement fortes, interrogent sur la façon dont les humains interprètent les comportements animaux.
🌿 Quand les animaux ont leur culture
L’épisode de Jicarón pousse les scientifiques à repenser la notion de culture animale. Il ne s’agit plus seulement de techniques utiles, comme l’usage d’outils, mais aussi de comportements émergents sans fonction claire.
Les capucins montrent ici que des animaux sociaux peuvent créer des « modes » ou traditions partagées. Comme chez les humains, certaines pratiques n’ont pas de but adaptatif évident, mais se diffusent par imitation ou par statut social du « modèle ».
🚀 Ce que cela nous dit de nous-mêmes
L’étrangeté de ces comportements nous renvoie à nos propres traditions culturelles. Pourquoi les humains adoptent-ils parfois des comportements sans fonction ? Mode, rite, jeu ?
Ces capucins nous rappellent que l’intelligence sociale n’est pas uniquement humaine. Et que la culture peut surgir de l’ennui, de la curiosité ou de l’envie d’imiter.
✅ Conclusion : un cas fascinant à suivre
Ce cas unique soulève autant de questions qu’il n’apporte de réponses. Les capucins de Jicarón ont montré qu’un comportement peut naître, se diffuser et avoir des conséquences sur tout un écosystème, sans raison claire.
Reste à savoir si cette mode va s’éteindre... ou s’installer durablement. Une chose est sûre : la faune sauvage n’a pas fini de nous surprendre.
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