🤔 Pourquoi la grossophobie fait tant de ravages chez les adolescents ?

 🤔 Pourquoi la grossophobie fait tant de ravages chez les adolescents ?

Alors que les campagnes anti-obésité se multiplient, un phénomène bien plus insidieux prend racine dans le quotidien des jeunes : la stigmatisation de leur poids. Focus sur un mal encore sous-estimé.

✨ Un mot récent pour un mal ancien

Le terme grossophobie, entré dans le dictionnaire en 2019, désigne l'ensemble des discriminations envers les personnes en surpoids ou obèses. Ce concept a émergé en France dans les années 1990 grâce à l’actrice Anne Zamberlan et son association Allegro Fortissimo, qui ont inversé le regard traditionnel : le problème n'est pas le corps gros, mais la société qui le stigmatise.

Et pourtant, la France compte aujourd’hui 46,5 % d’adultes en surpoids et 20 % d'obèses (Haute Autorité de Santé). Un paradoxe qui met en lumière un phénomène bien ancré : être nombreux n’a jamais protégé contre la discrimination.

🔒 Une maladie, des stéréotypes

L'état de surpoids ou d'obésité est défini par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme une maladie chronique complexe, caractérisée par une accumulation excessive de graisse corporelle. L’indice de masse corporelle (IMC) — supérieur ou égal à 30 pour l’obésité chez l’adulte — permet un diagnostic objectif.

Mais dans le langage courant, qui décide à partir de quand une personne est “grosse” ? Ce terme reste flou et subjectif, influencé par la culture, l’éducation ou encore l’image de soi. Et c’est bien là le danger : en l’absence de repères clairs, la stigmatisation peut s’abattre sur n’importe quel adolescent jugé "hors norme".

💸 Un prisme social et éducatif trop réducteur

Les causes de l’obésité sont multiples : facteurs génétiques, métaboliques, environnementaux, socio-économiques… Pourtant, la plupart des campagnes préventives ciblent quasi exclusivement l’alimentation et l’activité physique.

Cette approche, éducative voire moralisatrice, alimente les préjugés : paresse, gloutonnerie, manque de volonté…. Elle ignore le rôle majeur de la pauvreté et du niveau d’éducation, pourtant bien documentés par les rapports comme Obépi. Résultat : un sentiment de culpabilité grandissant chez les jeunes qui n'arrivent pas à "suivre les conseils".

💔 Une violence banalisée chez les jeunes

La grossophobie à l’adolescence prend des formes multiples : moqueries, exclusion, remarques dévalorisantes …. Une enquête de la Ligue contre l’obésité (2021) révèle que 40 % des adolescents obèses ont subi des discriminations à l’école, contre 10 % des jeunes en moyenne.

Les filles sont particulièrement concernées :

  • 54 % des adolescentes obèses de 14 à 17 ans déclarent avoir été victimes de propos ou comportements grossophobes.

  • 37 % des filles de 11 ans ont déjà fait un régime, alors que moins de 10 % sont médicalement en surpoids.

Ce décalage entre perception et réalité pose les bases de troubles du comportement alimentaire : obsession de la minceur, anorexie, boulimie, alimentation émotionnelle…

📈 Stigmatiser n’aide pas, au contraire

Les travaux de la chercheuse Rebecca Puhl montrent que plus un adolescent est exposé à la stigmatisation, moins il est réceptif aux messages de prévention. Pire :

  • Les adolescents moqués à cause de leur poids ont plus de risques de prise de poids future.

  • Ils présentent davantage de symptômes dépressifs, d’anxiété, voire d’isolement.

Une étude chinoise de 2024 sur 10 000 collégiens montre que ce n'est pas le poids réel, mais le sentiment d'être trop gros qui a l'impact le plus fort sur la santé mentale. Les moqueries sur le poids multiplient par 3 à 5 le risque de troubles psychologiques.

🏰 Famille, école, réseaux : tous les lieux sont concernés

La grossophobie ne se limite pas aux cours de récré. Elle prend racine à la maison, parfois sous des formes insidieuses : surnoms "amusants", réflexions à table, comparaisons blessantes.

À l’école, certains enseignants — souvent sans intention malveillante — peuvent renforcer la stigmatisation : mise à l’écart en EPS, remarques déplacées, tolérance implicite des moqueries.

Sur les réseaux sociaux, les adolescents jonglent entre corps parfaits retouchés et communautés body positive. Mais le cyber-harcèlement y est réel. Faute de représentations positives dans les médias, beaucoup cherchent sur TikTok ou Instagram des figures auxquelles s'identifier, avec des résultats variables pour l’estime de soi.

💡 Vers un regard plus juste et bienveillant

Depuis 2021, des initiatives positives voient le jour. Une banque d’images bienveillantes montrant des personnes grosses dans des contextes valorisants a été créée pour contrer les clichés visuels. Certains programmes scolaires se dotent de modules sur l’estime de soi, la diversité corporelle et le respect de l’autre.

D'autres pistes sont encouragées :

  • Adopter un langage non stigmatisant : parler de "jeunes en situation d'obésité" plutôt que les qualifier de "gros" ou "obèses".

  • Promouvoir des habitudes saines sans pression sur le poids.

  • Former les parents, les enseignants, et les professionnels de santé à détecter les signaux faibles de la grossophobie.

✅ Ce qu’il faut retenir

La grossophobie n'est pas une simple moquerie, mais une violence sociale systémique qui touche les adolescents au moment où leur identité se construit. Elle prend racine dans des croyances anciennes, se diffuse dans tous les espaces de vie, et altère durablement la santé mentale et physique des jeunes.

🔹 Agir contre la grossophobie, c’est donc bien plus que changer les campagnes de prévention : c’est changer de regard, de discours et de priorités.

Nommer la grossophobie, c’est déjà commencer à l’affaiblir.

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